Représentant syndical : désignation et missions

Mobilisation contre les retraites, le 7 septembre 2010, in Le Point © Lancelot Frédéric/SIPA
Mobilisation contre les retraites, le 7 septembre 2010, in Le Point © Lancelot Frédéric/SIPA

Un peu d’histoire…

Les représentants syndicaux, les délégués du personnel, ainsi que le Comité d’entreprise (CE) et le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), font partie de ce que l’on nomme les IRP : instances représentatives du personnel.

La reconnaissance des syndicats est très ancienne puisqu’elle date de 1884 et la constitution de 1946 reconnaît à tout homme la possibilité de « défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Le statut de délégué syndical est né en 1968. Dernièrement, la loi du 20 août 2008 a introduit une modification dans la désignation des représentants syndicaux.

Je n’aborde ici que les principes généraux, sans m’attacher aux spécificités liées aux groupes ou aux grandes entreprises (délégué syndical central ou notion de collège). Par ailleurs, je précise quelques modifications qui sont susceptibles d’intervenir dans le cadre de la promulgation des lois Macron et Rebsamen. Pour une analyse détaillée, je vous invite à lire le « blog d’un inspecteur du travail ».

Statistiques :

Selon l’étude Trésor-Eco, la France a l’un des taux de syndicalisation les plus faibles des pays de l’OCDE (8 % en 2010 soit environ 1,8 millions de salariés). Comment en-est on arrivé là ? Un article de La Tribune explique que le taux de syndicalisation a diminué de plus de la moitié (passant de 18% à 8%) en 30 ans (entre 1980 et 2012). Les fonctionnaires sont les plus syndiqués (16,7%) tandis que les salariés du privé en CDI, à temps plein, ne sont que 6,5% à l’être.

Représentativité des syndicats :

La chose la plus importante à savoir c’est que les représentants syndicaux sont désignés par le syndicat (contrairement aux membres du CE et aux DP qui sont élus par les salariés). Suite à la loi de 2008 sur la « rénovation de la démocratie sociale », les critères de représentativité des syndicats ont évolué. Or, seul un syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical.

Selon l’article L. 2121-1 du Code du travail, la représentativité des organisations syndicales est notamment déterminée par une ancienneté minimale de 2 ans et l’audience lors des suffrages. Ainsi, un syndicat n’est représentatif dans une entreprise ou un établissement que s’il a remporté « 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel ». (art. L. 2122-1 du Code du travail). Pour être représentatif au niveau de la branche professionnelle, au niveau national ou interprofessionnel, le syndicat doit obtenir au moins 8% des suffrages exprimés lors des élections.

Mais (et c’est là où réside la nouveauté introduite par la loi d’août 2008), un syndicat non représentatif peut constituer une section syndicale au sein de d’une entreprise ou d’un établissement à condition, notamment, qu’il ait une ancienneté minimale de 2 ans (art. L. 2142-1 du Code du travail) et qu’il compte au moins 2 adhérents (Cour de cass. du 8 juillet 2009, n° 09-60011).

Désignation d’un représentant syndical :

Chaque syndicat représentatif dans une entreprise ou un établissement de plus de 50 salariés, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés, un ou plusieurs délégués syndicaux (DS) pour le représenter auprès de l’employeur. (art. L. 2143-3 du Code du travail). Le nombre de DS (entre 1 et 5) dépend de l’effectif de l’entreprise (entre 50 et au-delà de 10 000).

Le projet de loi Macron prévoyait (art.87 B) de relever le seuil d’effectif à 100 salariés pour la mise en place des DS et du CHSCT. Mais cette disposition a été supprimée lors de l’adoption de la loi via l’art. 49-3 de la Constitution le 10 juillet 2015. 

Mais, dans les établissements qui emploient moins de 50 salariés, les syndicats représentatifs peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical. (art. L. 2143-6 du Code du travail). Ce qui arrive peu souvent, dans la pratique.

En sus, tout syndicat non représentatif mais constituant une section syndicale, peut désigner un représentant (RSS) et ce, quelque soit l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement. Contrairement au DS, le nombre de RSS est limité à un.

Ces dispositions ne concernent que les entreprises du secteur privé et les EPIC et EPA employant des salariés sous contrat de droit privé. En ce qui concerne l’exercice du droit syndical dans le secteur public : voir ici

Comme les autres représentants du personnel, les DS et RSS doivent être âgés d’au moins 18 ans, avoir une ancienneté minimale d’un an et jouir de leurs droits civiques.

Le mandat et le statut protecteur :

Le mandat du DS ou RSS est remis en jeu à chaque élection dans l’entreprise. Si le syndicat non représentatif, acquiert le nombre de voix requis et devient représentatif, le mandat de RSS prend fin automatiquement. Idem, si le syndicat perd sa représentativité ou si le DS n’atteint pas les 10% de votes, il perd son mandat.

A noter : il n’y a pas de « suppléants » comme dans les autres IRP.

Les salariés qui exercent des fonctions syndicales bénéficient d’un congé de formation économique, sociale et syndicale (art. L 2145-1 du Code du travail).

Le DS et RSS ont le statut de « salarié protégé » : c’est-à-dire que l’employeur doit avoir l’accord de l’Inspection du travail pour rompre le contrat de travail (sous quelque forme que se soit : licenciement économique, rupture conventionnelle, etc). L’article L.2141-5 du Code du travail affirme le principe de non discrimination syndicale : « il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »

La loi Rebsamen prévoit (chapitre II, art. 4), au début du mandat, la tenue d’un entretien « portant sur les modalités pratiques d’exercice de son mandat » entre le représentant du personnel ou le DS et l’employeur : c’est-à-dire un entretien pour concilier au mieux mandat et activité professionnelle. Il est également prévu un entretien en fin de mandat et la possibilité de valoriser les compétences acquises (certification inscrite au RNCP) via une VAE par exemple.

La loi réaffirme le principe de non-discrimination salariale et indique que lorsque le nombre d’heures de délégation dépasse 30% de la durée du travail, la rémunération des représentants du personnel suivra l’évolution de celle des autres salariés.

La loi Macron (art. 258-19°), quant à elle, introduit un statut de « défenseur syndical » bénéficiant du statut de salarié protégé. Il exercera des fonctions d’assistance ou de représentation devant les Conseils de prud’hommes et les Cours d’appel en matière prud’homale.

Les missions :

Le DS est l’interlocuteur du syndicat auprès de l’employeur. Il participe aux négociations (art. L 2242-1 du Code du travail) sur les salaires, la durée et l’organisation du travail, mais aussi sur la classification des emplois, la formation, l’intéressement, la participation et l’épargne salariale, l’égalité homme-femme, l’insertion professionnelle, le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, la prévoyance et la maladie à moins que les salariés soient couverts par un accord collectif. Il est porte parole des salariés en ce qui concerne leurs revendications.

La loi Rebsamen (art.18) affirme la prépondérance du DS lors des négociations sur des projets, révisions ou dénonciations d’accords collectifs, au détriment du CE.

Le nombre d’heures de délégation varie selon la taille de l’entreprise : il est compris entre 10 et 20h/mois (art. L 2143-13 du Code du travail).

La loi Rebsamen (art. 6) élargit l’utilisation des heures de délégation par le DS aux négociations ou concertations à d’autres niveaux que celui de l’entreprise et aux réunions d’instances organisées dans l’intérêt des salariés de l’entreprise ou de la branche.

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le DS (et non le RSS) est membre de droit du CE avec voie consultative (art. L 2143-22 du Code du travail).

Le RSS joue le même rôle que le DS sauf qu’il n’a pas le pouvoir de négocier ni de signer des accords d’entreprise ou d’établissement (art. L. 2232-12 du Code du travail). Il dispose d’un crédit d’heures de 4h/mois quelque soit la taille de l’entreprise. S’il est élu, il peut cumuler son mandat de RSS avec celui de DP, membre du CE ou du CHSCT.

DS et RSS peuvent se déplacer dans l’entreprise (pour rencontrer les salariés sur leur poste de travail, à condition de ne pas leur apporter de gêne importante) ou en dehors dans le cadre de leur mandat (pour se rendre à l’inspection du travail par exemple).

Si l’entreprise compte plus de 200 salariés, l’employeur doit fournir un local (qui ne peut pas être partagé avec les DP) où ils peuvent se réunir chaque mois, en dehors du temps de travail, pour échanger entre eux ou avec les salariés. Des personnes extérieures à l’entreprise peuvent être invitées par les syndicats, avec l’accord de l’employeur. (art. L. 2142-8 du Code du travail)

Un panneau d’affichage est mis à disposition de chaque syndicat pour informer les salariés et ses adhérents. (art. L. 2142-3 du Code du travail). Les informations doivent être communiquées simultanément à l’employeur sans que celui-ci ne puisse les censurer.

Les tracts ne peuvent être distribués que hors de l’enceinte de l’entreprise et aux heures d’entrée ou de sortie du travail.

Délit d’entrave :

La loi Macron ne modifie rien à ce propos : l’entrave à l’exercice du droit syndical est punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750€. (art. L 2146-1 du Code du travail)

Action en justice :

Les syndicats professionnels de salariés étant dotés de la personnalité civile, ils ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, protéger les intérêts individuels et collectifs de leurs membres, défendre leurs propres intérêts ou ceux de la profession qu’ils représentent, ou encore contester les décisions portant atteinte aux intérêts collectifs des salariés (art. L. 2132-3 du Code du travail).

Un syndicat peut assister ou représenter un salarié au Conseil des prud’hommes et il peut agir, dans le cadre de l’action en substitution, à la place du salarié, à condition que celui-ci ne s’y oppose pas. L’action en substitution n’est possible que dans un certain nombres de cas (en savoir plus). Pour plus de précisions lire ceci.

Pour aller plus loin :

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