Le processus d’intégration est-il vraiment nécessaire ?

bienvenue_Jérôme Rommé_FotoliaL’intégration des nouveaux salariés – aussi nommé « onboarding » – semble être la nouvelle préoccupation des services RH. Les articles sur le sujet sont particulièrement nombreux depuis quelques années : ils évoquent les coûts d’une mauvaise intégration du salarié, décryptent les étapes clés et proposent des moyens d’optimiser le processus. Pourquoi l’intégration (des immigrés comme celui des salariés) est devenu un sujet d’actualité ? Si le turn-over n’est pas un phénomène récent, le processus d’intégration est un concept nouveau. Quels en sont les enjeux ? Quels sont les véritables objectifs ?

Insertion, intégration et assimilation : trois notions à ne pas mélanger.

Ces trois mots permettent de définir la relation entre un élément extérieur et une entité déjà constituée. Les définitions sont issues de la publication de Juliette Grange (voir bibliographie).

Insérer signifie introduire, inclure dans un nouvel ensemble un élément sans le modifier. L’insertion est réversible, que l’on parle d’insertion professionnelle dans une entreprise ou d’insertion sociale dans une organisation.

A l’inverse, assimiler, signifie que l’identité d’origine de l’élément extérieur disparaît totalement, dans un processus irréversible d’absorption, de digestion. L’assimilé est englouti, transformé sans réserve et change totalement de nature. On a souvent parlé de l’assimilation des populations autochtones à l’époque coloniale.

Intégration vient du mot latin integratio qui signifie rétablissement, renouvellement, réparation, d’où intègre, entier, non corrompu. La notion d’intégration vient de la sociologie : « Il s’agit de la création d’une forme d’unité ou d’une identité par l’apparition d’un processus interne de mise en relation d’une complexité hétérogène. »

Pour Emile Durkheim par exemple, c’est l’intégration des individus aux sous-systèmes des groupes professionnels, familiaux, qui permet l’intégration de la société elle-même, c’est-à-dire la production de son unité, la pérennisation de son existence, la redéfinition ou la réaffirmation de son identité. Son incapacité à intégrer signifie sa difficulté à affirmer sa propre identité.
L’appartenance […] est une identité dynamique qui intègre d’autant plus qu’elle est forte et est d’autant plus fortement affirmée qu’elle intègre activement et réactive ses forces usées par l’apport de nouveaux individus.

L’intégration est un concept intermédiaire – où fixer le curseur ? – entre insertion et assimilation : l’élément nouveau est inclus sans qu’il soit radicalement transformé. Il s’efface en partie pour s’approprier les éléments identitaires du groupe, de l’organisation dans lequel il s’intègre. L’organisation se renforce grâce aux éléments nouveaux dans une dynamique vertueuse.

Le processus d’intégration : un fourre tout !

L’intégration désigne donc l’ajout d’un élément à d’autres, afin de former un groupe uni. Or, les processus d’intégration conçus par les entreprise portent sur une multitudes de points qui relèvent de différentes notions. Ainsi pour moi, la visite des locaux, la préparation du poste de travail avec les documents utiles, le badge, la présentation des collaborateurs, le fonctionnement de l’entreprise (rythme des réunions, etc) relèvent de l’accueil – et du bon sens – et non de l’intégration.

intégration_Olesia Gapchuk_FotoliaMais selon les articles, ce « processus » doit aussi permettre à la nouvelle recrue d’être opérationnelle rapidement, favoriser le bon déroulement de la période d’essai et éviter les ruptures impromptues. La fin de la période d’essai et/ou d’intégration est aussi souvent l’occasion de revoir les objectifs fixés. Là encore, l’appropriation du poste et l’efficacité dans les fonctions n’a rien à voir, selon moi, avec l’intégration.

Le service RH exploite cette période d’intégration pour communiquer sur les habitudes de l’entreprises (pause café, dress code…), ses processus, partager les valeurs et permettre leur appropriation par le nouveau salarié, développer sa fidélité et par la même occasion montrer une image d’employeur attractif. L’entreprise peut également désigner un tuteur/parrain ou organiser un séminaire d’intégration pour maintenir la cohésion d’équipe. Or, la cohésion ne se « fabrique » pas ni se « décrète », elle se construit petit à petit, au fil du temps, tout comme la confiance.

L’entreprise poursuit donc des objectifs multiples qui vont bien au-delà de la création d’un groupe intégré possédant une conscience commune et partageant les mêmes valeurs, comme en sociologie.

Certains articles mettent la pression sur la nouvelle recrue qui doit se faire accepter dans l’entreprise et à laquelle elle doit s’adapter. La capacité à intégrer ne repose donc plus intégralement sur l’entreprise – et le groupe comme dans le concept défini en sociologie – mais est partagée avec le salarié qui doit faire des efforts pour se « couler dans le moule » (image de la pièce de puzzle qui s’intègre dans le jeu).

Est-ce l’intégration qui échoue ?

Un article indique que près de 20 % des collaborateurs envisagent de quitter l’entreprise dès le premier jour. Selon le Figaro, la moitié des salariés ont voulu quitter l’entreprise au cours de la période d’essai à cause de divergences de point de vue (incompréhension par rapport à la stratégie notamment) pour 49%, du périmètre flou du poste pour 26%, et du package salarial pour 15%. Environ 20% des CDI sont rompus avant 3 mois.

Les raisons évoquées par les salariés sont donc très concrètes et majoritairement liées au poste en lui-même. Cela signifie donc qu’il y a eu un manque d’explications, de transparence de la part de l’employeur durant le processus de recrutement. Une rupture de période d’essai provoquée par le salarié le mettant à mal vis-à-vis de Pôle Emploi, il est très difficile pour celui-ci de quitter son poste. On imagine aisément la suite : perte de confiance, frustration, démotivation, désengagement… et aucun séminaire ne sera capable de redresser la barre !

apporter sa pierre à l'édifice_trompinex_FotoliaIn fine, à mon sens, ce n’est pas l’intégration qui échoue, c’est l’étape en amont qui pèche : le recrutement. Si on pose le mauvais diagnostic, on met en oeuvre les mauvaises solutions. Ce n’est pas un processus d’intégration efficace qu’il faut, c’est un recrutement pertinent et transparent afin de constituer une équipe diversifiée où chaque collaborateur apporte sa pierre à l’édifice.

Peut-être que si les entreprises communiquaient plus librement, de manière plus transparente et franche sur leur stratégie, leur but, leur raison d’être, leurs valeurs, leur politique de rémunération et de développement du personnel, les missions des postes… peut être qu’il y aurait moins d’échecs de recrutement et qu’il n’y aurait pas besoin de concevoir des processus pour intégrer – au forceps – les nouveaux salariés.

En effet, les profils que l’entreprise convoitent ne se reconnaissent pas forcément dans sa stratégie et ses actions. 55% des cadres indiquent que leur éthique professionnelle entre en contradiction avec les choix et pratiques réelles de leur employeur et 73% d’entre eux ne se sentent pas associés aux choix stratégiques de l’entreprise. (Source) Une enquête de la DARES indique que 36% des CDI signés en 2011 ont été rompus avant leur premier anniversaire et que dans près de la moitié des cas, l’initiative revenait au salarié. A méditer…

Bibliographie / pour aller plus loin :

6 commentaires sur “Le processus d’intégration est-il vraiment nécessaire ?

    • Bonjour,
      Vous pouvez faire un copier-coller du texte sur Word ou faire un PDF (commande : Ctrl+P).
      Pensez à mentionner l’auteur (Cindy Feix) et la source (blog « Travail et qualité de vie » + lien URL) en cas de citation.
      Merci !

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  1. Whoah this blog is excellent i really like reading your articles.
    Stay up the good work!
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  2. C’est le rôle d’un bon leader « le savoir intégrer » en fonction de l’image qu’il souhaite apporter à son entreprise et de donner également l’envie d’avoir envie, à son personnel.

    Donne moi 200 000 Euros et je te montrerais 😉

    Je te promet….mon compte suisse est 1756 45612 286 MH25 en toute discrétion.

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  3. Bonjour Cindy,

    L’intégration est plus que nécessaire surtout à notre époque ou des doutes subsistent sur l’avenir des salariés et de certaines entreprises qui suivent les mouvements économiques et sociaux avec très peu de vision sur le long terme.

    Demain j’intègre de nouvelles personnes dans une entreprise….

    Il est important selon moi d’anticiper sur ces points :

    – Faire une réunion avec les salariés en postes concernés par ces intégrations…

    – Les avantages de ces nouveaux venu(e)s et pourquoi

    – Faire participer les salariés à cette intégration pour faire « valoriser » leurs propres compétences et besoins…

    – Organiser les bonnes méthodes d’intégration « Travailler ensemble » à mettre en place.

    – Profiter de ces intégrations pour améliorer les problèmes de communications jadis…

    – Réaliser un programme d’intégration bien défini avec le temps qu’il faut ! c’est important : sauter des étapes serait catastrophique.

    Etc….

    En référence :

    Vous arrivez dans une nouvelle famille !

    Bonne journée,

    Mickaël

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    • Bonjour Mickaël,

      Faire une réunion pour informer de nouvelles arrivées, présenter brièvement leurs profils me semble relever du bon sens. C’est ce que chacun fait quand il présente une nouvelle connaissance à son groupe d’amis !

      Je voudrais revenir sur cette phrase de la citation de Durkheim ; « Son incapacité à intégrer signifie sa difficulté à affirmer sa propre identité. »
      Comment une entreprise pourrait intégrer si elle ne sait pas où elle va ? si elle ne sait pas ce qui fait sa force (ou celle de son produit/service) ? si elle ne parvient pas à expliquer sa raison d’être ? Comment faire partager une vision commune aux nouveaux venus dans ces conditions ? Comment créer un lien avec l’entreprise quand on sait qu’on peut être licencié à tout moment ? A mon humble avis, aucun « processus » ne changera ça…

      Je trouve qu’avant, il y avait vraiment un esprit d’équipe, de l’entraide. Maintenant, tout a changé, c’est plutôt le « chacun pour soi » et on n’hésite pas à remettre sur le dos du collègue sa propre erreur ou alors on « ouvre les parapluies ». Difficile dans ces conditions de créer une équipe ou de la cohésion ! Je trouve que s’il faut apprendre aux gens à « travailler ensemble » on est pas sorti de l’auberge…

      Comme je le souligne dans l’article, l’accueil d’un nouveau collaborateur est une chose, la communication transversale, le management, l’organisation en sont d’autres. Je ne suis vraiment pas sûre que l’intégration soit la clé pour une meilleure qualité de vie au travail. Sans respect ni confiance on aura du mal à sortir de l’impasse…

      Amicalement,

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